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Le soleil brille dans la vallée de la Tarentaise, en Savoie.

par alainch

UNE PRODUCTION BIEN GEREE
UNE PRODUCTION BIEN GEREE

Le soleil brille dans la vallée de la Tarentaise, en Savoie. Entre Bourg-Saint-Maurice et Moutiers. Il faut deux heures de route pour déboucher dans un des plus grands domaines skiables du monde. Dans la vallée, il y a deux types d’or blanc. La neige, qui n’a pas encore totalement fondu. Et le lait, qui est encore rentable ici. Toute la production laitière de cette zone est transformée en fromage. De la Tomme de Savoie au Beaufort.

« Notre coopérative regroupe 15 producteurs. Chacun regroupe plusieurs associés » décrit le président de la Coopérative Aime Beaufort, Bernard Usannaz. La Savoie est un territoire privilégié pour les producteurs. Pas moins de 5 AOP (Appellation d’Origine Protégée) de fromages se partagent le territoire. L’AOP Beaufort, vendu à la Coopérative d’Aime, est soumise à un cahier des charges drastique, avec contrôle du produit du pis de la vache à la commercialisation. « On achète le lait autour de 700 euros la tonne (1000 litres) de lait » continue M. Usannaz, lui-même producteur. Un tel prix à de quoi faire tourner la tête de notre côté des montagnes. En Isère et dans le reste de la France, le prix des 1000 litres tourne autour de 280 euros la tonne en avril.

Le lait de montagne, réserve naturelle

Didier Simon appartient à la Gaec (Groupement Agricole d’Exploitation en Commun) le Consortage. Elle se trouve sur la commune de Granier, à 1200m d’altitude. Il est moniteur de ski le jour sur le versant en face, celui de la Plagne. Le soir, une fois de retour de la montagne, à Granier, il passe de la combinaison rouge à la côte de travail verte.

L’été, ses vaches paissent dans les alpages au-dessus de Granier, sur le Plan Pichu. Cette double activité est une organisation du travail des plus courantes dans la région.
« Cela me permet de ne pas être toujours pris par le travail agricole. J’ai besoin d’une double activité. Je fais donc la traite du matin, puis je monte en station, et en rentrant en fin d’après-midi je m’occupe d’autres tâches à la ferme. On peut aussi avoir des congés, voyager, assister à des réunions… »

D’un point de vue économique, la position savoyarde est des plus enviables. Les touristes des cimes descendent des pistes pour se fournir en produits locaux.

Histoire militante

Ici, le produit commun, le partage du sort, est devenu une norme en montagne. Pour comprendre la Savoie agricole, il faut remonter dans le temps. Dans les années 60, les stations de ski se développent aux dépens des savoir-faire considérés comme désuets. Maxime Viallet, ancien de la Jeunesse Agricoles Catholique (JAC) et membre de la Fédération Nationale des Syndicats d’Exploitants Agricoles (FNSEA) s’en va alors fonder en 1964 l’UPB (Union des producteurs de Beaufort).

René Chenal fut de son côté l’un des créateurs de la GAEC le Consortage : « Au début des années 70, on était en plein dans une politique agricole productiviste à tout crin » explique-t-il sur le Club de Mediapart. « On ne voulait pas tomber dans un système où le lait est ramassé par des industriels du fromage comme ça commençait à se faire » continue l’homme qui a échappé au système.

A un niveau micro-local, il fallut réinventer le système juridique de la ferme. D’où l’idée de s’inspirer d’un système suisse très courant, le consortage, “partager un sort” dans le texte. Un système qui fait des usagers tout à la fois des propriétaires et des gestionnaires des biens communautaires. La traduction française s’appelera donc GAEC (Groupement agricole d’exploitation en commun). A Granier, le Consortage est créé en 1978.

La volonté syndicale est alors de lutter contre l’industrialisation et l’artificialisation des relations entre l’homme et l’animal. Une ethnologue, Cornelia Beyerbach, a publié un travail cité ici. « La passion pour ce métier qui repose sur les interactions fines entre les savoir-faire de l’homme, les animaux et la nature, constitue le dénominateur commun entre les différents témoignages. »

Une véritable image d’Epinal prend forme : les vaches sont en liberté dans les montagnes, les éleveurs travaillent par passion, sont sensibilisés politiquement, l’organisation commune coopérative porte ses fruits. Ici, on privilégie la qualité à la quantité. Parce que les producteurs de lait sont passionnés, ils n’ont jamais cédé aux sirènes des industriels.
Mais les produits savoyards ont une très bonne réputation aussi parce qu’ils sont très contrôlés. Usannaz : « On a des normes de productions drastiques pour le fromage. Notre travail très professionnel nous permet d’assurer la qualité de nos produits. »

Personne ne viendrait contester cette réalité. Les produits savoyards ont une bonne réputation. Les acteurs isérois de l’agriculture se mordent parfois les doigts. Car de son côté, le lait isérois est vendu en majorité aux industriels.

Des alpages aux protéines

Aujourd’hui la maîtrise de la chaine de production en Savoie est complète. Non contents de produire et de distribuer les produits eux-mêmes, les éleveurs de la Tarentaise se sont lancés dans l’agro-alimentaire.

Car les sirènes des usines ont finalement attiré les petits producteurs. A Albertville, dernière grandes commune sur la route d’Aime, on peut voir désormais un grosse installation. Une usine qui répond au doux nom de « Savoie Lactée ». Une usine à lait, couplée à un méthaniseur nouvelle génération.

Sur ce site, on trouve aussi une tour de séchage. Elle permet de conditionner et stocker une matière issue du lait, le lactosérum. Son nom courant est plus parlant : le “petit lait”. « Cette matière était devenue une charge pour les coopératives » analyse a posteriori M. Usannaz, « C’était Lactalis qui venait le ramasser dans nos exploitations » continue le patron de la Coopérative d’Aime. Ce qui entraînait un coût non négligeable.

Pour un kilo de Beaufort, le producteur retire 9 kg de lactosérum. Avec l’usine « Savoie Lactée », le principal objectif est de fournir 490 tonnes de poudre de lait par an issues du petit lait. Ce produit transformé, le lactosérum, est stocké dans la tour de séchage. Cette poudre est très recherchée dans les laits pour bébés, souvent exportés en Chine.

Sur les 13 millions nécessaires pour monter cette usine de petit lait, l’Union des coopératives des producteurs de Beaufort (UPB) a sorti un million d’euros de sa poche. Le reste (12 millions) provient d’un emprunt, et d’une subvention de 2,5 millions d’euros de l’Assemblée des Pays de Savoie.

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